Les Aspres : le Roussillon méconnu

La région du Roussillon : située à l’ouest de Perpignan, dans la Catalogne française, et limitée par la frontière espagnole, elle doit son nom d’origine catalane à l’aridité de ses terres caillouteuses.

Aspres en Catalan signifie pauvre et aride !

Les Aspres font partie de la Catalogne du Nord, située sur le territoire français, dont les limites correspondent à celles du département des Pyrénées-Orientales (66). L’usage du catalan y est toujours vivace. Perpignan est son chef-lieu. Cette partie de la Catalogne a été rattachée à la couronne de France lors du traité des Pyrénées signé le 7 novembre 1659.

Dans un décor de garrigues aux parfums subtils, se détachent ici et là, perchés sur les hauteurs, de petits villages brûlés par le soleil d’où émergent parfois le clocher d’une église romane ou les ruines d’un château. Les routes sinueuses s’enfoncent dans un paysage de chênes-lièges centenaires et offrent des vues imprenables sur la plaine du Roussillon où les collines schisteuses qui constituent les premiers contreforts du massif du Canigou, haut de 2783 mètres. Monstre sacré auquel l’imaginaire populaire local voue encore une grande admiration comparée par les habitants de l’endroit au respect que les Tanzaniens éprouvent envers le Kilimandjaro. Couverts de vignes et de vergers, parsemés de thym, lavande et romarin à mi-hauteur, ces collines présentent en altitude un aspect plus rude, escarpé, sauvage, boisé, inhospitalier. La capitale des Aspres, Thuir, fut dès le Moyen Age un centre économique important (agriculture, élevage, manufacture de draps, poteries). Ses habitants ont toujours su tirer parti de son statut privilégié de ville royale, notamment par l’utilisation du canal royal à l’origine de florissantes cultures maraîchères, fruitières et viticoles, des productions qui font toujours vivre la petite cité.

Naissance d’un CRU

La Naissance de la future AOP les Aspres :  la Hiérarchisation d’un Grand Cru.

Que peut s’attendre l’oenophile de cette nouvelle appellation ?

Gilles Jaubert, Président du syndicat du Cru les Aspres, s’exprime clairement là- dessus :

« Le consommateur pourra choisir en confiance un vin au profil clairement identifiable, et à la personnalité affirmé, de garde, riche en extrait et élégant. De plus il aura l’assurance que le raisin a été cultivé selon des règles très strictes et suivant le respect total d’un itinéraire technique qualitatif. Le Cru des Aspres représente la quintessence d’un terroir et constitue une valeur culturelle immatérielle d’une région à la longue histoire. A moins de faire des vins stéréotypés, la façon dont on traite l’exception du terroir « Les Aspres » ne peut s’exporter. Rondeur, souplesse et volupté sont le relief de ce nouveau Cru qui met en lumière une culture, un paysage, et un savoir faire.

Côtes du Roussillon les Aspres, une nouvelle appellation

Officialisée par décret du 15 juillet 2004, l’appellation Côtes du Roussillon les Aspres doit beaucoup au travail discret de Gilles Jaubert.

En 1977, Francis Jaubert, fondateur du Gie Jaubert Noury, avait porté l’Appellation Côtes du Roussillon sur les fonts baptismaux. 25 ans plus tard, Gilles, le fils de Francis, oeuvrait à son tour en faveur de l’appellation, s’attachant à faire reconnaître ce terroir si particulier que l’on appelle Aspres, tant la terre, en apparence dure, donne peu.

Dominées par l’imposant Canigou, encadrées par le Massif des Albères, les vallées de la Têt et du Tech, les Aspres portent en elles 37 villages harmonieusement disséminés entre collines et plateaux.

Caractéristique du terroir des Aspres, le galet s’avère être une pierre précieuse pour la vigne : la nuit, il lui offre la chaleur dont il s’est lui-même nourri le jour. Ce galet, marqué de la lettre « a », a été choisi par les vignerons comme signe de reconnaissance de l’Appellation Côtes du Roussillon les Aspres : les bouteilles le portent fièrement autour du cou, tel un bijou. 
« Les Aspres » : une promesse faite par les hommes à une terre de caractère.

Afin que « leur » appellation soit acceptée par l’Inao, les vignerons des Aspres se sont  imposés des règles très strictes. Les vins, rouge uniquement, doivent se composer d’au moins 3 des cépages inscrits au décret (carignan, grenache noir, syrah et mourvèdre) dont le rendement ne peut être supérieur à 45 hl/ha, provenant de vignes plantées à une densité de 4 000 pieds hectare et dont l’écartement entre les rangs ne doit pas dépasser 2,5 mètres. Les vignerons prétendant à l’appellation Côtes du Roussillon les Aspres sont tenus de faire une déclaration des parcelles à identifier à l’Inao,  qui décide de leur aptitude suivant des critères géo-pédologiques précis, définis et contrôlés par la commission d’experts géologues nommés par cet institut. Au niveau de l’agrément, les prétendants passent d’abord leur certificat d’aptitude à être Aoc Les Aspres, puis, au bout de 12 mois d’élevage (celui-ci peut se faire en cuve ou en barriques) ils se soumettent à un deuxième examen afin d’obtenir l’agrément définitif. Enfin la mise en bouteille est exclusivement réalisée en propriété.

L’Origine :

En 1990 un groupe dynamique de viticulteurs reconnus du Cru produisant des vins authentiques dotés d’une forte personnalité, décident de donner leurs titres de noblesse aux meilleures parcelles de cette petite région du Sud de Perpignan. L’appellation Côtes du Roussillon à laquelle ils ont eu droit en 1977 leur apparait en effet trop générique et ils souhaitent créer des centres d’excellence dans l’appellation. C’est ainsi que ce groupe de vigneron a sélectionné avec des spécialistes de l’INAO les meilleurs terroirs des Aspres en vue de la création d’une « super » AOC plus exigeante et novatrice au milieu de celles déjà existantes.

Cette démarche collective conduite par la famille Jaubert, propriétaire du domaine phare de la région des Aspres, le Château Planères et qui avait déjà amené sur les fonds baptismaux l’Appellation d’Origine Contrôlée Côtes du Roussillon ainsi que par quelques caves intéressées à cet ambitieux projet s’organise. Un travail de longue haleine sous le stricte contrôle de l’INAO, portant sur l’identification et la délimitation des parcelles caillouteuses les plus idoines par des experts géologues, le choix des cépages en adéquation et le suivi de la qualité des vins.

Finalement ce lourd projet exigeant a pu aboutir.

La nouvelle Appellation Côtes du Rousillon les Aspres a été officialisée par décret en juillet 2004, et les premières bouteilles portant cette appellation commercialisée en janvier 2005.

Points clefs de la nouvelle appellation

Climat : doux en hiver (8 degrés en moyenne), relativement pluvieux au printemps et à l’automne, très sec en été, il est aussi venté tout au long de l’année. Les vents, froids, sont toutefois ralentis par un relief très varié.

Terroirs : essentiellement constitués de collines et terrasses de galets roulés sur une couche profonde d’argile ou de limon assurant un bon régime hydrique en été.

Petite explication sur le choix des meilleurs terroirs

Les bons terroirs dits « profonds » présentent plusieurs couches : les graves et le sable, très perméables, permettent à l’eau de descendre en profondeur, où elle atteint la couche de limon (moins compacte de l’argile mais qui tend déjà à retenir l’eau) et celle d’argile, de structure encore plus compacte et donc plus absorbante : cette dernière se compose en effet de minuscules pétales (on les appelle « feuillets), une structure encore plus dense que le limon. L’eau infiltrant dans les couches les plus compactes, mais quand même perméables qui sont ici les plus profondes, les racines de la plante doivent plonger en profondeur pour atteindre cet élément qui leur est si chichement offert. Dans ces sols les vignes ne souffrent ni d’un manque, ni d’un excès d’eau. Un avantage pour les futures baies, fruit de la souffrance mais riche d’un jus bien plus concentré que d’autres nées dans l’abondances hydrique.

Aptitude à l’élevage : le vin doit au préalable avoir obtenu son « certificat d’aptitude à l’élevage » qui valide son fort potentiel, sa typicité et la structure du vin à revendiquer le Cru Les Aspres 12 mois plus tard. Ce certificat est attribué suivant les règles strictes de la commission de dégustation composée de vignerons, œnologues et techniciens encadrés par l’INAO. L’agrément définitif est donné au bout des 12 mois afin de vérifier que l’élevage a été bien fait.

Durée de l’élevage : 12 mois au moins

Les vins : ils présentent les caractères des régions chaudes avec des arômes de fruits noirs, mûres, de figues, chocolat, cacao, épices douces, poivre. En bouche on retrouve ce caractère chaleureux, de l’élégance, de la profondeur et un registre aromatique souvent très persistant jouant sur les épices, les fruits mûrs et des notes plus au moins chocolatés.

Cuisine : on peut mettre en évidence de tels vins rouges sur une cuisine épicée, comme l’une des spécialités locales, les Boles de Piculat .